Février 2020 : les sorties "Estran", c'est du sérieux !!!
En février 2020, 4 sorties ont été organisées sous la zone de la mi-marée et sur 4 sites différents. Au cours des trois premières, des petits inventaires ont été réalisés, chacun dans une zone limitée, afin de mieux connaître les espèces marines qui vivent à ce niveau de l'estran.

Premier inventaire :
Samedi 8 février 2020 : côté droit de la cale de Kerguelen, coef 80
Un Fucus dentelé bien accueillant : hôte précieux (gîte et couvert) pour les si jolies Littorines (ici Littorina obtusata) et leurs pontes qui , au vu de la maturité des œufs, libéreront sous peu des escargots miniatures rampants (pas de stade larvaire planctonique pour cette espèce). Quant au Grand Bryozoaire hirsute (Frustrellidra hispida), il préfèrera installer sa colonie sur les stipes de l'algue !!!
Aux côtés du Fucus, se développe en touffes, une petite algue rouge aux notes épicées : le Poivre de mer (Osmundea pinnatifida) qui accueille bien souvent des Littorines juvéniles dont l'ouverture de la coquille est plus large que celle des "obtusata". Quand tous les biologistes se mettront d'accord sur le nom de l'espèce, nous vous la communiquerons !!!
D'autres touffes d'Osmundea, isolées cette fois et de taille plus allongée, ont été trouvées plus bas sur les rochers. On peut noter, à sa droite, des tubes d'Hermelles (Sabellaria alveolata), vers tubicoles qui peuvent construire de magnifiques récifs lorsque les conditions sont propices. Ces structures restent toujours très fragiles au piétinement, alors VIGILANCE !!!
A cette étage de l'estran, le Fucus dentelé cohabite avec d'autres voisines à peau bien rouge : à gauche, touffes de Lomentaria articulata facilement identifiable à son thalle mou et segmenté (nommée aussi Algue saucisson!). Quant à sa voisine à crinière rêche, elle nous laisse interrogatifs : peut-être un genre de Callithamnion ?
La Vie sur les parois rocheuses ...
Voici 2 Éponges encroûtantes bien communes de nos estrans : Halichondria panicea (verte) et Hymeniacidon perlevis (orange) suivie d'une intrusive (jaune pâle) venue d'Asie : Celtodoryx ciocalyptoides déjà bien répandue sur les côtes bretonnes et reconnaissable à ses nombreuses papilles tordues !!!...
Le guide "des organismes exotiques marins" de Philippe Goulletquer informe que :
- cette espèce est très tolérante aux polluants (sortie d'égouts, dragage ...)
- elle filtre davantage de Plancton que les autres animaux filtreurs locaux et leur est devenue une sérieuse concurrente pour se nourrir
- elle se développe et se régénère très vite et englobe d'autres Éponges
Mais elle a des propriétés pour combattre l'Herpès !!!
Déjà problématique dans le golfe du Morbihan, elle est incontestablement présente partout sur la côte morbihannaise. Nous avons observé son squelette (les spicules) au microscope, ce qui a permis de l'identifier : nous la rencontrons sur chaque site que nous avons déjà exploré
Il faut savoir que le transport maritime est responsable en grande partie de l'installation d'espèces exotiques via les eaux de ballast dont un litre peut contenir jusqu'à :
- 50 spécimens de zooplancton,
- 10 000 de phytoplancton,
- 800 Millions de Bactéries,
- 1,4 Milliards de virus.
D'autres espèces animales beaucoup plus évoluées partagent le même habitat que ces Éponges : en forme de petits volcans, les Grandes Balanes (Balanus perforatus). Ces crustacés cirripèdes vivent fixés aux parois des rochers et sont la proie de prédateurs rampants : les Pourpres (Nucella lapillus), souvent en petits groupes et pondant leurs progénitures dans des petites urnes. Et tant qu'à faire juste à côté de leur garde-manger !!!
De belles surprises ... une autre Éponge à forme sphérique cette fois : jeune Orange de mer de 15mm (Tethya citrina). Notez à sa droite les quelques étoiles blanches sur fond bleu marine. Nous retrouverons ces tuniques de Botrylle étoilé (Botryllus schlosseri) à divers endroits sur les pans rocheux avoisinants. Comme les Éponges, ces Tuniciers sont des animaux filtreurs de Plancton.
Au pied des parois, de belles prédatrices dévoreuses attendent :
Les Anémones de mer : en haut, Dalhias de mer (Urticina felina) tentacules rétractés et ouverts ; en bas, Anémone gemme fermée avec 6 lignes blanches apparentes sur la colonne (Aulactinia verrucosa) ; et dans toute sa splendeur avec les bras grands ouverts, un Dalhia de mer rouge (Urticina eques) !!!
Éventail alimentaire de ces belles :
- Dalhia de mer => Mollusques et Crustacés divers, Echinodermes, petits Poissons , Méduses, Vers ...
- Anémone gemme => Plancton et petites proies
- Dalhia de mer rouge => même régime que sa cousine avec quelques précisions sur le menu : Patelles, Crabes verts, Crevettes, Oursins verts ...
En tous cas, certains ne s'y frottent pas ...
... comme ce popeye aux gros bras souvent blotti dans les trous de roche : le Crabe verruqueux (Eriphia verrucosa), pas la peine de lui demander une photo en plein jour, vu le regard on connaît déjà la réponse !!!
Précieuse pour l'économie d'un pays, certes,
Mais indispensable pour les Ecosystèmes Marins !!!

Deuxième inventaire :
Lundi 10 février 2020 : blocs rocheux de Port Fontaine, coef 103
Nous avons retrouvé quelques mêmes espèces, bien entendu :
Éponge Hymeniacidon perlevis parmi les Grandes Balanes (Balanus perforatus) ... Éponge Halichondria panicea ... ponte de Littorine sur Fucus serratus ... Dalhia de mer (Urticina felina) sous le Poivre de mer (Osmundea pinnatifida) ... Osmundea sp plus allongée ...
Mais aussi des petites vies rampantes ...
Une petite Limace celtique (Onchidella celtica) pulmonée ... un Chiton épineux (Acanthochitona crinita) 1cm .......... et un Helcion (Patella pellucida) nichant d'ordinaire sur les grandes algues brunes (Laminaires) : tous les 3 sont munis d'une langue râpeuse, la radula, leur servant à brouter leur mets préférés.
Des vies fixées ...
Une Anémone fraise (Actinia fragacea) pas mûre ! normal en février... Un bryozoaire encroûtant Watersipora subatra ... Un tunicier colonial, le Botrylloïde orange (Botrylloides leachii).
Photos du haut : ce minuscule crabe de 12mm aux couleurs de fantassin, nous fait penser à Pirimela denticulata (carapace fortement dentée et surtout la présence d'une pointe plus longue sur la partie blanche entre les yeux). Dans les trous de roche, une carapace bien carrée, les yeux dans les coins et les pattes poilues, vous l'avez reconnu : le Crabe marbré (Pachygrapsus marmoratus) ... un Mordocet (Lipophrys pholis) de la grande famille des Blennies.
Sous le signe de la Biodiversité :
La présence d'Hermelles (Sabellaria alveolata) est propice au développement de la biodiversité marine. Il est important de savoir les reconnaître dans leur habitat pour ne pas les détruire involontairement en les piétinant.
Sur le site de Port Fontaine à Lomener, beaucoup de ces constructions fragiles habitées par ces vers tubicoles marins sont visibles et très accessibles, malheureusement !!!
Voici quelques photos pour vous aider à les identifier ...
Cette roche que nous avons explorée est facile d'accès. Aussi, attention où on met les pieds : parmi les algues émergent par endroit des tubes de sable, organisés en nid d'abeilles.
En descendant sur la plage, d'autres petites colonies d'Hermelles se sont installées de chaque côté du tunnel de drainage, parmi les Fucus dentelés (algues brunes que vous reconnaîtrez facilement à leurs lanières en dents de scie).
Et pour se développer, quoi de mieux comme support stable que ce tunnel bétonné ! Lysiane a vainement tenté de sensibiliser les toutous en balade ... hélas les propriétaires ne savent pas lire les panneaux !!!

Et avant de partir, petite investigation sur les rochers du haut de plage quelquefois parés de couleurs sombres (vert, brun, noir).




